« Mais fermez vos gueules ! » Solo Astra, Ojard et Triptides à l’Espace B

Ah l’Espace B, salle des concerts à 47 degrés, des galères de son et de l’amour. Salle préférée. J’ai à peine le temps de regretter de ne pas avoir pas mis une veste plus chaude qu’il est temps de s’engouffrer dans la pièce du fond, agréablement clairsemée (ça durera pas). Solo Astra regroupe quatre madrilènes absolument choupis, avec des couvre-chefs de toutes les couleurs (enfin, une chacun) et des tronches à passer ses aprem’ au skatepark ou à concourir pour le meilleur sosie de Sufjan Stevens.

Ce qui se produit est chatoyant, communicatif et hyper carré. Les effets vocodisants sur les voix leur donnent une identité chouette. Ça suffit d’ailleurs à ce qu’on ne se rende même pas compte que les paroles sont en espagnol. Oui, faut être un peu des brèles. Sera entendu à la sortie : « C’est dommage quand même que des groupes comme ça ne chantent pas dans leur langue locale ». N’empêche qu’associé à un clavier cotonneux, le métallique de leurs chants donne une patine new wave à leur pop lo-fi, qui n’en est que plus vagabonde.

Ils finissent sur un morceau instrumental dans lequel la rythmique passe d’une syncope (on s’attend presque à un petit rap castillan) à un vrai kick, produisant une espèce de techno-pop bricolée, sincère et étonnamment juste. Tout cela suffit à ma bonne humeur.

… qui va en prendre un sacré coup dans pas longtemps. Alors que Maxime Daoud, derrière le projet Ojard, annonce un concert instrumental et souhaite à tout le monde une bonne écoute, je sens venir le traquenard. Saletés d’indie-rockeux. Ça y est, si y’a plus de paroles, vous vous croyez dans un ascenseur hein ? Ou à la putain de machine à café ? Les gens qui se racontent leur vie pendant les concerts sont vraiment la pire des races. Des « chuuuuut » et un « Mais fermez-vos gueules ! » fusent. Je n’avais pas eu autant la haine contre un public depuis ma dernière fois au Rex Club, c’est dire.

Malgré tout, l’électronica aigrelette et organique d’Ojard soigne l’oreille (un peu moins quand ça vire bossa). Les racines de Maurice Jarre sont plus lointaines que sur le disque (par ailleurs, ravissant) et les convocations d’Arms & Sleepers ou de Hidden Orchestra font regretter les soirées Denovali Records, dans lesquelles le Parisien n’aurait pas fait tâche et où on occupait l’Espace B à 20. On la fermait, au moins.

Enfin, Triptides va se charger de prodiguer la charge énergétique attendue. Bon, là tout de suite, j’ai moins de références sous le coude. Disons que ça sonne garage, psyché, surf-truc et beach-je sais pas quoi. La batterie attaque sous des auspices up-tempo, les mélodies se brouillent de saturations et moi je me demande si j’arrêterai de trouver ça kitsch, un jour, un solo de guitare. Bon en vrai, c’est quand même cool, chaloupant et estival. J’envie la chemise papier-peint du chanteur, le batteur ressemble à Chaton et un couple au premier rang essaye de se lancer dans un pogo en tandem. Tout cela donne vraiment envie de ne plus travailler.

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