Du plafond pendent des câbles, des fils dorés et des guirlandes d’ampoules. Les grandes vitres de la salle donnent sur la rue et se retrouvent occultée plus tard par des rideaux rouges. Les quelques tables font face à une scène large, entièrement ouverte sur le bar, et les trois murs qui l’entourent sont barrées de lattes de bois colorées qui font comme un habitacle de rayures primaires. C’est moins underground que ce à quoi je m’attendais mais c’est chouette.
Aucune idée de qui sont les groupes qui jouent ce soir au Ritz. Mais les tags « 90’s », « indie pop » et « sad pop » sur Bandcamp ont suffit à provoquer le déplacement. Le premier groupe, Veranda Liv, est entièrement masculin. Sur les six formations vues au Canada, ce sont les seuls dans ce cas (je veux déménager). D’allure, ils ressemblent à Arctic Monkeys en 2018. Ils portent donc du beige. Une ritournelle jouée à la basse insuffle des airs d’Animal Collective à leur mixture qui prend au post-punk et au math-rock. L’interprétation du chanteur est intéressante, assez parlée. Il joue sur plusieurs hauteurs de chant avec quelque chose d’un Morrissey dissonant, mais sa grandiloquence de dandy est un peu ternie par un mixage malheureux. Techniquement, c’est extrêmement bien exécuté et la salle encore clairsemée semble apprécier.
Contrairement à Veranda Liv, anglophones, la leadeuse de Vanille s’adresse à nous dans les deux langues. Formation de Montréal, le groupe est emmené par une Emily The Strange en jupe jaune dont la voix m’a statufiée sur place, dans un frémissement presque électrique. Lorsqu’elle chante en français, on sent qu’April March et les yéyés trainent pas loin. C’est dreamy tout plein, ça convoque tous les codes indie 90’s, flottant au gré de rengaines douçâtres, et ça suffit à faire des nœuds avec ta corde sensible. J’étais dans leur poche en trois accords. La mélodie de Cherry me colle au crâne et ne sera exorcisée qu’après moult écoutes une fois rentrée en France. La clarté de sa voix sur les vocalises finales, alors que le rythme se brise sur la grève, pousse la mélancolie au zénith. L’EP s’appelle My grandfrather thinks I’m going to hell et rien que ça, ça mérite l’écoute. D’autant plus si on a un goût pour Girlpool par exemple.
Aux premiers riffs de Partner, le projet de Lucy Niles et Josée Caron, meilleures potes dans la vraie vie, je me suis dit « aïe ». Ça sent le classic-rock pompier à 50 bornes. Grosse scansion de batterie, des solos comme un jour sans pain, du Lynyrd Skynyrd nappé à la pop glucose des années 2000. Tout ce que j’aime (non). Mais difficile d’aller au delà du bref froncement de sourcil. Les meufs sont trop énergiques et rigolardes pour ça. Caron, sosie boyish d’Ellen Page, enchaine les grimaces sur ses solos et témoigne d’une voix vraiment belle. Niles, casquette à l’envers, joue la sale gosse et fout régulièrement de grands coups de pieds en l’air. On ne comprend rien à ce qu’elles racontent, leur accent est à couper au canif, mais elles sont mortes de rires toutes les cinq minutes et une bonne partie de la salle aussi. Alors bon, je ne risque pas de plonger dans leur musique comme une assoiffée mais je n’ai jamais vu des meufs s’éclater comme ça sur scène. Parfois ça suffit au coup de cœur. L’intensité très différente des trois lives fait quitter la salle euphorique. Un coup à convertir à l’indie-rock n’importe quel sceptique.