CHAMBRE – Je t’imagine (2018). Songe à la moiteur

La dernière sortie du Syndicat des Scorpions est une cassette bricolée par un certain Paul-Alexis Leveugle, (ex)étudiant aux Beaux-Arts de Cergy, un endroit de gens biens. Ça s’appelle CHAMBRE – Je t’imagine. Rien que le nom donne un ancrage spatial et narratif au déroulé. L’apathie de draps solitaires, le crâne embrumé de sensations encore jeunes ou d’instants révolus. L’auteur n’emprunte ni quatrième chemin ni troisième degré. Ses morceaux, plages instrumentales à la production maison, sont des histoires d’amour avec des titres à faire frémir Sébastien Tellier. On s’est perdu, Reviens Danser, Ta peau brûlante, Sur les rochers. Et c’est qu’il te collerait une boule dans la gorge, le con.

Entre emo-ambient et techno lo-fi, les huit morceaux de la cassette donnent la primauté aux nappes de synthétiseurs qui dessinent plusieurs tableaux. Certaines tapissent l’espace de loops vaporeux, d’autres ont la texture cotonneuse d’un orgue étouffé. Loin de l’ambient pur ou de la synthwave trop vive, les mélodies prennent des teintes tantôt nacrées, tantôt métalliques qui s’élèvent de la superposition de boucles dans des reflets chatoyants. (Quand t’es un peu synesthète, c’est un bonheur). Les errances du clavier prennent une épaisseur mélodique dont les sonorités peuvent verser dans de l’électronica façon Plaid, dans une relecture de space music en forme de rubans cosmiques ou dans un hybride folâtre de The Caretaker et Vive La Fête.

Oui parce que la rythmique n’est pas en reste. Le cœur de la cassette donne à voir des squelettes binaires qui pulsent de manière sourde sous les arabesques de loops. C’est là que se loge le tour de force. En maintenant à distance les coups de butoirs, la mélancolie nébuleuse reste dominante et pour autant, on n’a pas moins envie de danser à en oublier qui l’on est. Ces kicks assourdis, comme de l’autre côté du mur du club, ramènent à l’incertitude électrique de l’issue de nos nuits.

Seul bémol, la trop courte durée des morceaux. Un titre dont le kick ne surgit qu’à la mi-temps ne peut pas durer que trois minutes. C’est interdit. Mais sinon, ne rechignons pas sur les superlatifs. Le grain, l’immédiateté mélodique et la patine hantologique sont à se pâmer. C’est dépouillé et bouleversant. J’étais saoulée par la musique instrumentale et là je ne peux plus écouter que ça. Ça peut nourrir l’orage qu’on a dans la poitrine, donner chaud ou adoucir les aubes. Ça ira bien avec la sueur, l’urgence, le seum et l’extase. Bonnes vacances.

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