Michael Wookey, sauvage et fatigué

Octobre et novembre signent le retour des brouillards de cordes et des chants rembrunis. C’est le moment de l’année où s’engage la quête des songwritters et où le folk se refait une place dans les écoutes journalières. Le printemps était traversé d’indie-pop perlée et de clairs timbres féminins. (Je n’ai pas encore poussé l’analyse de mon rapport aux voix de femmes et d’hommes – toujours vaguement peur d’une forme de fétichisation. A creuser, un jour). L’été signa le retour fracassant de la musique électronique au premier rang des obsessions quotidiennes, d’une forme nouvelle pourtant, de celle qui fait rouler les hanches sous les éclipses de lune. L’automne, comme toujours, vient avec le besoin d’envelopper ses journées d’une épaisseur tiède. Que la première musique du matin et la dernière musique du soir soit crépitante, organique et réchauffée d’accents voilés.

Les voix masculines qui plongent dans les graves et s’adossent à des tourbillons mélancoliques occupent chez moi une place non négligeable. C’est un quartier tout entier, où vaquent les Nick Cave, les Leonard Cohen ou les Matt Elliott, où on croise The National et Tindersticks. Des figures à la gloire desquelles on pourrait construire des autels et des palais, mais qui cohabitent en bonne entente dans une grande maison qui craque avec des tapis au sol. Dans le coin des voix éthérées et des sanglots longs, se tiennent aussi Gravenhurst ou les plus discrets The Loner(s) ou The Red F (automnal devant l’éternel). Mais fi de passage en revue, le point du jour concerne un nouveau venu.

Son nom fait très urban dictionnary – un mix entre woke et low-key – et la pochette de Hollywood Hex, à la fois drôle et cafardeuse, évoque un Martin Parr qui aurait donné dans la nature morte. La musique de Michael Wookey prodigue à merveille cette atmosphère de coin du feu panachée de sensations britanniques. (Pour faire les choses bien, en automne, les romans lus doivent se dérouler au Royaume-Uni.) Je navigue donc entre Hollywood Hex, qui vient de sortir chez We Are Unique! et Wild And Weary qui date de 2016. Le premier sonne plus pop et fonctionne bien avec les températures qui font de la résistance. La transition en est d’autant plus douce.

Le chant de l’Anglais décrit parfois des scansions qui le placent entre Baxter Dury et The Streets. C’est le cas sur Red Hot Dollas, dont l’assemblage de rap, violon, piano et pop à l’anglaise donne une chanson à la puissance et à la gouaille incroyables. Le reste du temps, les ballades se parent d’une tristesse lumineuse, qui rougeoie et pulse sous les orchestrations délicates. Face à la foultitude d’instruments baroques – qui répondent aux doux noms de celesta, dulcitone, orchestron ou marxophone – on pourrait se croire dans un atelier de jouets en bois, dans un rade vieillot et accueillant ou quelque part dans la lande détrempée des Cornouailles.

Mais ce ne sont pas les seuls territoires convoqués. Alors que ce genre de ponts est plutôt rare, on distingue chez Wookey de vraies accointances avec la musique classique moderne. C’est particulièrement vrai sur Wild And Weary, plus aéré et plus introspectif que son successeur. Plusieurs titres sont ainsi parfaitement instrumentaux, rythmé de seules gouttes de glockenspiel et parcourus d’éclairs venteux, parfois menaçants. Nulle trace ici de presque-rap ou de mélodie débonnaire. Les paysages ont l’austérité sauvage du grand Nord et l’appel de la chaleur intérieure n’en est que plus impérieux. On s’étonne moins de ce climat quand on constate que le mastering de ses disques est signé Valgeir Sigurðsson, fondateur de Bedroom Community – depuis son studio islandais. 

Michael Wookey passe en concert à Paris les 28 octobre et 25 novembre au Nez Rouge, un endroit du bassin de la Villette qui a l’air de programmer surtout du stand-up (?). La promo est à la hauteur de l’audience du bonhomme : relative. Un coup à écouter à quelques-un.es des balades veloutées dans la cale d’un bateau. Comptez sur moi. 

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