Des trucs de 2018

En 2018, il y a eu un orage dans la montagne, des écureuils noirs, Rrose à Comme Nous Brulons, de la power-pop, des jeux de ballon, Scout Niblett qui te fait regretter le mascara waterproof, des pistes de danse, l’Italie deux fois, les tresses de Frankie Cosmos, la porte de Bagnolet, l’envie de cramer des mecs (surtout ceux de la Concrete).

2018 a poursuivi un processus mis en sommeil depuis longtemps : celui de découvrir de la musique avec une excitation de gamine. De retrouver le goût d’écrire dessus, de façon imprévue et irréfléchie. Il y a des périodes qui fournissent les conditions de remettre à plat les envies et les implications. Ça reste pas évident de trancher entre l’individuel et le collectif. Il y a toujours un risque de s’engager dans quelque chose dont le cadre peut devenir écrasant. Peut-être que les contours les plus souples permettent d’avancer plus librement. Peut-être qu’être seule à la barre permet de garantir la possibilité de jouer avec les lignes à tout moment. Mais c’est pas sûr. Un truc qui serait bien – comme faire davantage de vélo et aller plus au cinéma – ce serait d’essayer d’apprendre à ne pas se gaver d’un truc jusqu’à l’écœurement et à ne pas voir de l’échec dans ce qui ne se poursuit pas. Ça vaut pour les livres interminés, pour les participations auxquelles on met fin, pour le tout et le n’importe quoi. Regarder ce qui n’est plus sans en considérer la fin comme trop tardive ou trop anticipée. Juste, en étant contente que ça ait existé.

Cet article n’est pas une liste. Pas par rejet des tops, j’adore les tops, malgré leur mauvaise réputation. Mais parce que ça n’aurait pas de sens de compiler mes albums préférés de 2018. La plupart sont des albums de pop, comme ceux de Princesse Chelsea, Snail Mail ou Jaromil Sabor. En évacuant d’autres formats de productions, un top ne serait pas représentatif de ce que j’ai aimé cette année. C’est drôle d’ailleurs de voir les genres se distribuer selon les formats. Cette année, la musique électronique est venue par morceaux, par maxis ou mixtapes. Parce qu’il n’y a pas de raison de réifier le format album, ce best-of va tenter de décrire ce type de répartition. Ce sera des zooms, sur un disque, un morceau, une radio. Des flashs d’une année dont la persistance s’évaluera avec le temps.

John T. Gast – BETC Version #1 et #2 (12’’)

Cette année, j’ai l’impression d’avoir farfouillé dans un pan nouveau pour moi des musiques électroniques. Un champ :

  • dont les acteurs semblent se prendre un peu moins au sérieux que ce à quoi j’ai été habituée.
  • où les artworks évoquent le garage-punk et les blazes, le rap west-coast.
  • où on perçoit une dimension loufoque, bordélique, presque pop, dans l’esthétique. C’est parfois même (argh) ensoleillé.
  • où la catégorisation par genre est une tannée. Le meilleur tag rencontré demeure à ce jour POWER-ELECTRONICA (que je compte bien me faire tatouer).

Les labels qui incarnent cet espace aux contours aussi flous qu’arbitraires s’appellent L.I.E.S Records, Editions Gravats, Knekelhuis, Le Syndicat des Scorpions, Simple Music Experience, Antinote Records, Macadam Mambo ou Johnkôôl Records. On y retrouve beaucoup de Belges et de Néerlandais, un brouillage entre ce qui se danse et ce qui ne se danse pas et un penchant pour l’héritage de l’époque où la technologie MIDI n’existait pas. Par son va-et-vient entre les alias, son invisibilité en mode jeu de piste, et ses productions dont je ne me remets toujours pas, John T. Gast symbolise bien tout ça.

Les pourtours sont un peu sales, industriels. Ça tape doux mais sec. Au delà de la structure binaire, les rythmiques suivent des trames bancales, traquent le contretemps et creusent des tunnels subaquatiques. Le mec fait un tel usage des synthés qu’on croirait à des volutes de cuivres, organiques et profondes, qui sonnent comme des bouffées entêtantes s’élevant du font d’un bunker.

Angela sans déconner c’est un des morceaux les plus ouf de toute cette année.

Leonardo Martelli – Menti Singole Vol. 2 (EP)

Martelli c’est le moelleux, la crème, un parasol abandonné, le soleil couchant, la nostalgie d’un truc que t’as pas connu. Ça faisait longtemps que j’avais pas été à ce point béate devant les qualités en termes de production, de mélodie, de groove et de texture d’une musique d’apparence légère, mais où l’agencement du moindre détail relève de l’orfèvrerie. Ça convoque la library music comme la deep-house allemande, et jamais des synthés d’inspiration 80 n’ont sonné de façon si pure. Son album sorti en 2016, L’immaginario, était déjà à tomber par terre et à convulser. Il n’y a rien que ce type ait fait qui ne soit pas éclaboussé par la classe.

Thousand – Le Tunnel Végétal

Si j’avais fait un top, il serait tout en haut. J’en avais déjà parlé ici, alors que je n’étais qu’au tout début de mes écoutes. Il n’y a pas d’albums que j’ai dévorés à ce point, tout en aillant la conscience aiguë que ce sera encore le cas dans 20 ans. Au point d’en connaître chaque mouvement, chaque syllabe. Il a des morceaux que j’écoute plus que d’autres, même un ou deux que j’aime franchement moins. Pourtant rien n’enlève l’impression d’avoir face à soi un monument. Il m’aura suivi tout du long, accompagnant la nuit à Belleville, les moments de chaos immobile ou les trajets en train. Se mariant à la joie sautillante et au marasme. Les arrangements sonnent de façon à la fois limpide et tamisée. On a tout le long une impression d’aura, d’un flou nébuleux où la lumière perce comme des rayons jouant avec des gouttes de rosée sur une toile d’araignée. Cette sensation d’aube claire enveloppe un chant qui se joue du sens des mots et qui cavale avec l’absurde. Guillaume Delcourt sur Pop News avait souligné l’inventivité de l’écriture de Stephane Milochevitch dans un article qui honore la critique musicale (et c’est pas tous les jours). A lire, à écouter et à connaître par cœur.

Lyl Radio

LYL Radio, c’est comme Guerrisol, faut y passer du temps, faut bien chercher, mais quand tu trouves, t’es trop content. Cette radio indépendante qui se divise entre Lyon et Paris offre des créneaux à tout un tas d’artistes, DJ et labels. La musique électronique y est hégémonique – quoique certaines émissions offrent de cools mélanges de post-punk, rock 60’s et bizarreries à guitare. Sérieux, c’est un super endroit. J’en cale une pour un autre générateur incroyable de playlists aux oignons nouveaux. Les mixtapes de hrv (@noblazoblij) ont représenté cette année une source de découvertes musicales comme j’en ai rarement connues. La moitié des morceaux de chaque sélection me fait bondir de ma chaise, ce qui rend les écoutes assez sport et riches en émotions.

Spiritualized – A Perfect Miracle

C’est des plus belles chansons de cette année. Je ne suis pas familière de l’ami Jason Pierce et j’ai peu écouté cet album en entier. Mais celle là, elle restera. Parce que la gracilité de cordes, les vibrations, la tendresse et la tristesse foudroyante des paroles, l’emphase, le feu d’artifice et l’au revoir. 

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