Weyes Blood, l’astre

Sa voix me donne envie de chanter à m’en péter les cordes vocales. Elle m’évoque un monde musical que je ne connais pas, la décennie 70, le soft-rock, la pop éclatante de fin 60 qui serait comme voilée, caressée de mystique. Je n’ai pas l’habitude des voix si claires, tenues longtemps et très haut. J’ai fréquenté plutôt les chants noyés d’effets du shoegaze, l’acoustique portée par des timbres masculins, les chants féminins profonds ou un peu fragiles qui ricochent sur de la pop bricolée. Natalie Mering n’a pas le temps de danser un pied sur l’autre. Elle ne prend aucune pincette avec l’émotion. Pas de parlé-chanté ou de jeu de camouflage. Son chant est total, absolu, occupe toute la place et n’a nulle peur d’embrasser la forme la plus radicale des émotions qu’il charrie. Sa musique n’est pas mélancolique, impossible de réduire cela à de la tristesse. C’est comme si tous nos sentiments, du plus réjouissant au plus difficile, s’étaient fondus en un noyau incandescent qui traverse l’espace comme une comète.

J’écoute sa musique comme on regarde quelqu’un qui nous subjugue : immobile, les nerfs en alerte, en désirant que le moment ne s’arrête pas. (Autant dire que je mate tous ses clips de la même façon). Pourtant, je ne suis pas tombée dans son univers de façon complètement immédiate. A sa sortie il y a quelques mois, Titanic Rising m’a fait l’effet d’un disque étonnant, superbe. Mais il a fallu du temps pour que sa musique émerge, sans volonté conscience de ma part, qu’elle remonte à la surface de mes écoutes quotidiennes (pour ces jours-ci en représenter 90%). Aujourd’hui je vis dans l’ambre de ses orchestrations, dans cette atmosphère baroque, boisée, rendue éblouissante par ses explorations vocales. Il y a dans Do You Need My Love (extrait de Front Row Seat To Earth sorti en 2016) une dynamique de mise en tension et de libération violente, lorsque la lumière du refrain perce les limbes avec la force d’un barrage qui cède, qui procure des effets proches de l’expérience extatique.

Etienne Menu parlait de sa musique comme aquatique. Elle est comme une averse à laquelle on s’abandonne, cessant de lutter, pour sentir l’onde qui ruissèle sur la peau et qui nous lave de tout ce qui est moins pur qu’elle. On se doute que Titanic Rising sera considéré comme l’un des meilleurs albums de 2019 un peu partout. En attendant, si quiconque a des recommandations d’artistes qui pourraient se rapprocher d’elle (au delà des Carpenters et de Brian Wilson) et combler ma soif de beauté aveuglante, surtout il ne faut pas hésiter.

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