J’ai repris le concept des disques écoutés en boucle à la super Pauline Le Gall. Ça me parlait plus que de faire un top des sorties de l’année, qui aurait laissé de gros trous. Comme l’année dernière, j’aime bien l’idée de regarder ce qui a pris de la place. Ça revient à observer son année attentivement, en la soupesant, le sourcil relevé, puis à convenir de la glisser dans sa poche d’un air entendu en se disant, ok c’était pas si mal.
• Arthur Russell – Iowa Dream -(Réédition 2019 – Audika)
Cet album a surgi pile au moment où j’avais besoin de lui, dans un creux de la vague musical. Les disques de folk enveloppants mais joyeux ne sont pas légion dans mes étagères. J’ai plus de familiarité avec l’horizon dépressif du spectre. Alors quand je tombe sur une telle collection de balades miroitantes, qu’elles soient funky, épurées ou acoustiques, l’émoi est total.
• Blonde Redhead – 3 O’Clock EP – (2017 – Ponderosa Music & Art, Asa Wa Kuru)
Blonde Redhead est l’un de mes groupes préférés. Je ne m’attendais pas à trouver dans cet EP sorti en 2017, écouté par hasard, ce qu’ils ont fait de plus beau. Il y a quelque chose dans le traitement des percussions, dans leur allure un peu bossa, qui lui donne un charme pénétrant. Nulle abrasion dans ces guitares qui roulent calmement. Juste l’espace et la douceur nécessaires pour que l’émotion déborde. Chaque morceau de l’EP franchit un cran dans le sublime. Des titres bons à vous accompagner toute une vie.
• Death and Vanilla – Are You A Dreamer – (2019 – Fire Records)
J’aurais écouté beaucoup moins de dream-pop en 2019 que durant les deux années précédentes. Mais l’air de rien, cet album de Death And Vanilla s’est glissé discrétos à la tête de mes écoutes pendant presque quatre mois. Il n’y a pas un titre en dessous des autres. Comme un bal musette qui vire au truc inquiétant, le disque vogue entre légèreté retro et psychédélisme trouble.
• Ghost Of Dance – Walking Through Gardens -(1996 – Réédition 2019, Dark Entries)
Découverte l’hiver dernier, la musique de Ghosts Of Dance a frappé là où ça fait mal. C’est comme si ça condensait tout ce que j’aimais. Twee-pop électronique imparable, vignettes dessinées par un duo masculin / féminin, jams instrumentales avec la juste de dose de gimmicks 80. Un chef-d’œuvre insoupçonné.
• Issam Hajali – Mouasalat Ila Jacad El Ard -(1977 – Réédition 2019, Habibi Funk Records)
Face au folk torturé du libanais Issam Hajali, rien que l’écoute du premier titre est une expérience. Une pièce en 8 actes, longue de 11 minutes, dont la trame psychédélique connait des évolutions rythmiques étourdissantes et diffuse une mélancolie violente, qui ne vous lâche pas. Même sans les comprendre, les chansons d’amour sont bouleversantes. Trop de tristesse dans ces “habiba” juste murmurés.
• Lana Del Rey – Norman Fucking Rockwell– (2019 – Polydor, Interscope Records)
Un paquet de monde est tombé d’accord sur ce disque. Quand on vit dans une quête perpétuelle du parfait album de sieste, de l’enveloppe la plus douce qui soit, on est prédisposé à s’y sentir bien. Dans les faits, ça a donné un sacré nombre d’écoutes quotidiennes (surtout au réveil) pendant un mois entier de convalescence. Qui n’en a été que plus efficace.
• PNL – Deux Frères– (2019 – QLF Records)
Je ne vais certainement pas tenter un semblant de critique de cet album (ahah). Il n’y a que l’abcdr qui ait su le faire. Je sais juste que ça s’écoute comme une histoire, c’est presque aussi prenant qu’un livre. C’est rare, les disques aussi absorbants. Ça donne de la force et en même temps, ça rend visible le fait d’être tout cassé à l’intérieur.
• RAP – Export – (2019 – Jolly Discs)
Je craignais de ne pas avoir les mots pour parler d’Export (finalement, si). Mais je ne sais toujours pas si c’est sa beauté ou son audace qui m’écarquille à ce point les pupilles. Meilleur album de 2019 (n°1).
• Reymour – Enigme – (2018 – Kinship)
Duo suisse promis à de grandes choses (main à couper), Reymour m’a accompagnée cette année à coup de claques dans le dos (quand ça allait pas) et de bulles de rêvasserie (quand ça allait mieux). Synth-pop au cordeau et krautrock chancelant, j’aurais écouté bien 500 fois ces comptines. Les paroles sont aussi tranchantes qu’ingénues et les instrumentaux, implacables. De la musique comme je voudrais en faire si je savais comment.
• Roger Rodier – Upon Velveatur – (1972 – Columbia)
Androgyne, la voix de Roger Rodier donne l’impression qu’il sourit en chantant. Upon Velveatur est l’unique album de ce Québécois qui aimait beaucoup les jours de pluie. Un Nick Drake qui aurait pris plaisir à vivre. La densité de l’album est incroyable. Tout en restant dans une veine soft-rock veloutée, il y a à l’intérieur une variété d’esthétiques et de tonalités émotionnelles qui continuent de m’ébahir.
• Sade – Diamond Life – (1984 – Epic)
En se fiant à la première écoute de Diamond Life, on n’aurait pas pu anticiper toutes les suivantes. Ne remontaient d’abord que des atmosphères cheesy de piano-bar d’un autre temps. Cet album situé sur un territoire bien éloigné de ma culture musicale a pourtant ouvert tout un pan de découvertes, de la street soul au jazz narcotique.
• Sara Fuego – Sara Fuego – (2018 – Midi Fish)
Sara Fuego chante son spleen avec une évanescence chromée. Son ambient-trap chantée en français ou en espagnol est confectionnée en Bretagne. Sous leur dehors lo-fi, ces complaintes couleur poussière et néon révèlent des trésors de mélodies et d’écriture. Meilleurs clips du game et punchlines à l’avenant (“j’capterai la 4G pour te raconter des mytho”).
• TRjj – Music Compilation: 12 Dances – (2019 – STROOM)
Electro-acoustique en dentelle, obscure et tendre, la musique de ce collectif de Munich déclenche chez moi des sentiments familiers et hallucinés à la fois. Ils brassent ambient, folk trafiqué, chant lointain et kicks alanguis, et imbibent le tout d’une mélancolie terrassante. Dans ce flou, les rythmiques mécaniques évoquent de la musique industrielle qui aurait été dissoute dans du lait. Comme RAP (mais différemment) TRjj combine des squelettes électroniques avec la culture de la musique chantée. Meilleur album de 2019 (n°2).
• Weyes Blood – Titanic Rising – (2019 – Sub Pop)
J’ai voué une vraie obsession pour Weyes Blood pendant plusieurs semaines. L’entendre parler en interview de sa vie, de ses difficultés, des histoires d’amour pourries qui ont nourri ses chansons, me donnait une sensation d’absurdité. Ce n’est pas une personne, c’est une créature. Les banalités de l’existence ne peuvent pas la concerner.