Samedi 27 février (après ça j’étais crevée)
Je fais ici quelque chose qui ne m’est pas très confortable : raconter un peu de sa vie sur Internet. On a beau mettre de sa pomme dans l’écriture sur la musique, c’est quand même pas pareil, et le manque d’habitude dans l’exercice me déstabilise beaucoup. (Même si je suis pile dans la génération concernée, je n’ai aucune culture du blog personnel, je suis plutôt du genre à passer un temps alarmant sur des forums sans jamais y écrire quoique soit – et sans que cette possibilité ne me vienne à l’esprit.) Mais venons-en au fait.
J’ai envie de documenter la fabrication des trucs que je bricole. L’isolement est violent en ce moment, le lien amical est ténu. C’est difficile de parler de ce qu’on fait de nos journées. Ça fait un an que je ne fais que ça, écrire et faire des trucs dans mon coin. C’est l’unique moyen que j’ai trouvé pour garder un univers mental assez rempli pour ne pas péter un câble. Ça me prend tout mon temps et toute ma tête. En outre, ce sont des projets longs, donc si j’attends qu’ils soient achevés pour en parler autour de moi, je risque de me momifier sur place. Le but est aussi d’espérer qu’avec un peu de bol, ça ouvre des discussions – parce que c’est solitaire comme processus, et c’est long (j’ai dit que c’était long ?)
En preum’s, il y a ma thèse, dont j’ai commencé la rédaction au printemps dernier et sur laquelle je passe plus clair de mon temps. La bête m’évoque une bonne vieille locomotive crachotante, régulière et pas bien rapide. J’alterne entre l’émerveillement quant à la nature finalement agréable, gratifiante et assez tranquille d’une période que j’ai passé trois ans à redouter, et des moments d’effarement aigu face au temps que ça prend.
A côté, depuis cet été, j’essaye d’écrire un texte long sur la musique. Un projet d’essai, de nature plutôt personnelle. Et si j’étais, et suis toujours tentée (comme beaucoup de monde j’imagine) de tout garder pour moi, bien au chaud, planqué, je me rends compte que ça n’aide pas à la motivation. C’est quand j’ai commencé à faire lire des bouts à des proches que j’ai réalisé que les retours, surtout quand ils font plaisir, sont un putain de carburant. Ce projet-là appartient aux interstices. Face à lui, je suis extrêmement excitée mais je navigue à vue complet. Je suis dans le noir à tâtonner. Si un jour j’abandonne et que ça ne mène à rien, tant pis, mais je me dis qu’en parler le rend un peu plus concret. Je n’ai jamais connu de travail d’écriture à long terme (le max, ça a dû être de passer quatre jours sur une chronique de disque) et là j’en ai un dans chaque bras et je ne sais pas trop comment jongler.
Enfin à côté, il y a des trucs complètement improbables comme les collages que j’ai commencé à faire pour Too Soon Tapes. Et là c’est encore un autre délire : partir de zéro, accepter d’être bien, bien, bien nulle, et essayer de faire des tous petits pas en dédramatisant la manœuvre au maximum. C’est un processus marrant. (Watch me débarquer dans des magasins de fournitures artistiques en me disant « bon dieu mais qu’est-ce que je fous là… ? ») (Pour info, je n’ai rien fait de mes mains depuis mes neuf ans, âge auquel je fabriquais des objets (?) avec des rouleaux de papier toilettes, sous le saint patronage de Neil Buchaman de Art Attack, et appelais ça des « réalisations ». Mes parents en rigolent encore).
L’idée est donc de tenir un genre de journal de fabrication, un carnet de bord des trucs qui sont mis sur pied au fur et à mesure, que j’espère régulier. J’ai également envie de parler du poids de la contrainte dans la création, de ma PASSION pour le montage sonore ou des ressources et lectures qui me plaisent et qui me servent.
Et puis j’ai ouvert un blog pour y consigner des choses, ce serait bien de l’alimenter éventuellement, un jour.
Vite, la suite