Une tentative numérique (la moins pire)
Il y a deux chose que j’aime dans le collage : le plancher et la radio. En premier lieu, c’est le plaisir d’être assise par terre. (Loin des écrans aussi, ça aide.) Etre assise sur le sol concentrée pendant deux heures, c’est ce qui rapproche le plus de l’activité d’un enfant qui invente des intrigues avec des Barbie et des tractopelles. Ce n’est pas autre chose, et ça suffit. Le but, l’intérêt, le sens, pas besoin d’aller les chercher ailleurs.
Après, parce que je suis sensible au raffinement, j’ai tendance à soigner l’ambiance sonore. Et c’est là que réside le deuxième intérêt du collage : écouter un truc vraiment bien en même temps, comme Juke-Box ou Bookmakers. En temps normal, j’écoute des podcasts uniquement quand je cuisine ou fait le ménage. Si je traine sur Internet en même temps, ce que je survole me déconcentre, et je ne vais pas juste m’allonger sur le canap à ne rien faire du tout (à moins d’être vraiment HS). A l’extérieur, les émissions ne pénètrent pas sous mon casque (j’ai beau les aimer beaucoup mes podcasts favoris, la musique passe avant). Reste donc : la cuisine, le rangement, la lessive, que des moyens super excitants de passer le temps.
Il y a des gens qui ne peuvent pas regarder un film ou une série sans s’occuper les mains, et qui donc tricotent (surtout des femmes). Là c’est pareil. Je ne sais pas si le collage permet l’écoute d’émissions ou si les émissions enrichissent la pratique du collage, mais les deux fonctionnent extrêmement bien ensemble. Il y a dans la pratique de la sélection – pré-découpage – découpage – assemblage – collage (avec autant de session qu’il y a d’étapes) quelque chose qui donne l’exacte dose de disponibilité mentale pour se plonger dans l’écoute. On peut être à la fois absorbé par des propos et complètement concentré sur son activité. Certains des plus chouettes moments que j’ai passé cette année ont pris cette forme là, en tailleur sur le plancher, fenêtre ouverte en plein été, à se faire percuter la tête par les paroles de Philippe Jaenada au point de l’aimer instantanément, comme s’il faisait partie de ma famille.
En plus, c’est facile le collage, c’est même ultra démocratique. La technique nécessaire, tout le monde l’a apprise en première section de maternelle. Il faut juste des ciseaux, des magazines et un jugement péremptoire (c’est bon, j’ai). Mais il faut reconnaître qu’il m’a fallu un dernier ingrédient : savoir quoi en faire. Ça ne devrait peut-être pas m’importer autant, mais j’ai beaucoup de mal à faire quelque chose si je ne sais pas quoi en faire. Du mal à créer si je ne sais pas comment diffuser. Ça vient peut-être d’une déformation liée à la chronique de disque, qui a consisté pendant des années à produire pour faire paraitre, tout de suite. C’est écrit, publié dans la foulée, tu fermes l’écran, satisfait. Sans débouchés, j’ai du mal à faire des trucs.
Mon premier collage, c’était une roue de secours. Je cherchais à illustrer la première sortie de Too Soon et j’avais passé un mois entier à essayer de faire du design (ahah) graphique à partir du logiciel en ligne le plus accessible possible (PicMonkey). C’était affreux. J’avais beau me dire que chaque tentative ratée était une étape obligée pour arriver à quelque chose d’acceptable, waouh je n’en voyais pas le bout. Quand on m’a suggéré de faire ça avec du papier et de scanner le résultat, c’était plié en deux jours. Un an après exactement, j’ai découvert sur Instagram les mini-zines de Juliette Patissier sur les plantes, créés simplement avec une page A4 pliée en 8. Je me suis dit que ce serait cool de faire même chose avec des collages et de les envoyer avec les cassettes. Un mini-zine bonus pour chaque commande. Sans ça, pas sûre que j’aurais recommencé. Ça m’a donné une raison de faire des collages. Et d’écouter des podcasts. Et de m’assoir par terre.