- Un livre
JB Hanak – Sales Chiens

Tu lis 50 pages, tu le refermes et tu es toujours dedans. Ça part pas. T’as beau être chez toi au chaud à faire ta vie, ta tête continue de se cailler le cul sur une station service à attendre celui qui a toujours pas fini de pisser, à vouloir gratter une clope alors que t’as arrêté depuis 10 ans.
Les sorties du narrateur sur le monde de la musique et le rapport qu’il entretient avec lui sont les plus arrêtées et lumineuses possibles. Comme elle sont rares, tu voudrais bien un livre fait uniquement de ces sentences définitives (sur les labels, les promoteurs, l’argent, les flics, les chiens et tout le reste).
Tu as envie de prendre tous les personnages dans tes bras (sauf celui qui se lave pas) alors même qu’il y a de quoi se poser deux fois la question. C’est assez prodigieux de réussir à écrire un récit de tournée musicale aussi sale, poisseux, dangereux et écœurant sans surenchère, juste en montrant ce qu’il se passe et qui sont les gens. C’est triste à mourir et plein d’amour en même temps.
- Un concert
Plein Soleil, Romain de Ferron, Xaxi au Zorba – 24/11/21

Normalement quand tu vois trois concerts d’affilée, tu ressors avec une petite préférence. Hier, non. C’était au Zorba et ça commençait par le live de Xaxi (Clarice Calvo-Pinsolle et Bear Bones, Lay Low). Une petite troupe se répartissait autour d’eux, qui étaient assis-se sur des chaises en plastique face à une table pleine de machines. Il y avait un truc à la fois léger et sérieux dans la longue piste en continu qui se déroulait. Des pulsations irrégulières, une symphonie de crissements presque doux et des mélodies lointaines qui semblent sortir d’une vieille armoire. C’est du drone plein de bulles, avec de l’eau au milieu qui fait comme une rivière, qui coule parmi des fréquences, crée des remous et roule sur les cailloux.
Ensuite Plein Soleil (Jonathan Grandcollot) c’est dans la salle qu’il créé du mouvement. Ça dansait tout le long dans la cave alors qu’on était une grosse poignée, une impression de soirée chez des potes (on tient pas à beaucoup de toute façon). Lui c’est l’homme-orchestre qui cumule machines et batterie, ça part en explosions polyrythmiques, transe collective au fond des bois. Sans mélodie ou presque, il arrive à faire égrener les instants qui enfument la tête et mettent le corps hors de contrôle. Que des tubes, je déconne pas.
Et enfin, Romain de Ferron. C’était tellement bien. C’est toujours important la dualité entre le sombre et le lumineux qui se créé à l’intérieur même de la musique. Romain fait ça d’une façon que je n’avais pas souvent entendue. Tous ses morceaux sont construits sur une alternance de phases très calmes et de montées en intensité. Les mélodies sont des boucles élémentaires qui ont une sonorité translucide et surannée de boîte à musique. C’est coloré, joyeux et simple jusqu’à ce que ça ne le soit plus du tout. La petite ritournelle devient une bande-originale de train fantôme. Comme si les wagonnets s’étaient mis à rouler à l’envers et emprisonnaient les visiteurs dans une maison hantée qui n’a plus rien d’une attraction. Et puis soudain tout s’arrête, la boîte à musique revient et on ne garde dans la tête qu’un éclat de cauchemar. Et on veut tout de suite recommencer.